La connaissance de la peinture par Gérard Magnette

Gérard Magnette      Magritte Gérard Magnette

 

Beaucoup de personnes avouent souvent « Je n’y connais rien en peinture … ! » Comme si l’art ne s’adressait pas à eux. Mais avec l’envie de s’intéresser et d’accroître leur connaissance. En renonçant aussi vite car la démarche leur semble trop ardue.

Le monde de la peinture est effectivement très vaste et il est difficile de s’orienter parmi la multitude de mouvements, d’écoles, de styles, de techniques, d’artistes…

Les théories sur l’art sont nombreuses et souvent difficiles d’accès. Les comprendre demande beaucoup de temps. Et au final on risque d’être déçu, car étant souvent trop intellectualistes, ces théories ne renforcent pas nécessairement notre sensibilité.

Ainsi, une des façons efficaces d’affiner son approche esthétique consiste dans la comparaison des œuvres entre elles.

Comparer c’est chercher les ressemblances et les dissemblances. Mais pour faire les différences, encore faut-il posséder l’outil, l’étalon de mesure, qui permet de les mettre en relation. Il nous faut choisir un mode de comparaison et des critères de discernement pour confronter les œuvres et mettre en évidence leurs qualités communes ou non. Il nous faut « changer notre regard » en dégageant des aspects nouveaux par le fait même de la comparaison. Et ainsi améliorer notre façon de regarder les œuvres d’art.

Pour choisir des critères de différenciation, nous nous référons aux moyens plastiques tels que Klee les distingue :la ligne, le clair-obscur (tonalité) et la couleur.

La peinture est une activité spécifique qui utilise des moyens qui lui sont propres. Ces moyens, ou composants, sont d’ordre conceptuel par opposition aux composants matériels, soit toutes les matières diverses qui peuvent être utilisées dans la peinture.

Ce sont ces moyens picturaux formels, utilisés sur une surface bidimensionnelle, qui servent l’expression de l’artiste par leur choix, leur mise en évidence, leur opposition, leur combinaison et arrangements les plus divers. Et qui construisent la forme représentée.

La peinture possède sa propre logique,ses propres règles et lois qui déterminent ce qui est picturalement possible de réaliser.Ce qu’il faut évaluer ce ne sont pas les choses représentées mais bien la réalité de la représentation elle-même. La finalité c’est le tableau, pas le sujet représenté. Même si cette approche peu être trop formaliste.Dans l’œuvre de Cézanne, l’important n’est pas de distinguer s’il a peint fidèlement la montagne Sainte Victoire, mais bien d’appréhender cette nouvelle réalité qu’est la montagne peinte par Cézanne.

Ce qui est présent pour le spectateur ce n’est pas l’objet « montagne Sainte-victoire » mais bien le tableau de Cézanne qui est présent par sa propre vie esthétique.

Ce faisant, on évacue la fausse distinction entre figuratif et abstrait. En abandonnant le seul intérêt pour le sujet et en se concentrant sur l’œuvre peinte, on observe qu’il existe de nombreuses manières abstraites ,c’est à dire éloignées de la réalité ,dans la peinture figurative. Observons une icône byzantine par exemple. Le caractère schématique et symbolique de l’ensemble ne renvoie pas à l’expérience que nous pouvons avoir d’un être humain concret. Et réciproquement dans le traitement de la peinture non-figurative. Pierre Soulages confiait que seule la réalisation de ses « noirs » permettait d’éviter une lecture figurative de son travail. A-t-il réussi ?

Par « Ceci n’est pas une pipe » Magritte nous rappelle qu’une peinture n’est qu’une image de la réalité, pas la réalité. Et c’est cette image artistique que nous devons apprécier. Il nous faut abandonner l’obsession de la représentation exacte de la réalité de la nature pour se pencher sur cette autre réalité qu’est la nature même de la peinture.

Et c’est bien parce que la peinture existe par une utilisation de moyens proprement distinctifs que la comparaison des œuvres permet de l’approcher. 

On peut donc fonder les comparaisons des œuvres sur les composants plastiques, affinant ainsi une analyse résolument picturale. Et ainsi mieux comprendre les modes d’expression de l’artiste. Mais aussi mieux appréhender l’évolution de la peinture. Une certaine peinture moderne du début du XXe a ainsi fait le choix de privilégier les moyens picturaux pour eux-mêmes. Par exemple la couleur devient le sujet même du tableau, « la couleur pour la couleur », conduisant à l’extrême du « Carré blanc sur fond blanc » de Malevitch ou des monochromes de Klein. On atteint là une limite de la picturalité en réduisant le tableau à un seul composant : le monochrome.

Nous détaillerons dans les articles suivants les moyens picturaux tels que Klee les définit. Et nous rapporterons la comparaison d’artistes qu’un historien de l’art trop oublié, Lionello Venturi, réalise remarquablement en s’appuyant sur leurs diverses utilisations des moyens picturaux.

 

Gérard Magnette   Gérard Magnette

  La montagne Sainte Victoire,1904/06                              Art byzantin,13e s

   Paul Cézanne                    

 

                       Gérard Magnette

                       Peinture,2012      Pierre Soulages

                       

            Gérard Magnette                                               Gérard Magnette                             

          Carré blanc sur fond blanc,1918                                         IKB 3 ,Monochrome bleu,1960

          Kasimir Malevitch                                                                  Yves Klein

 

 

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